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La naissance de Jésus selon Matthieu et Luc

Catéchèse biblique de la liturgie

(Images ©Depositphotos, montage: Josée Richard)

Notre mémoire — et la crèche de Noël vient renforcer ce phénomène — a tendance à harmoniser les textes de Matthieu et de Luc quand on pense à la naissance et à l’enfance de Jésus. Mais si on prend le temps de comparer ces récits, on constate des différences irréconciliables. Par exemple, le père de Joseph selon la généalogie de Matthieu est Jacob (1,16), mais Héli, selon celle de Luc (3,1). Le lieu de résidence de Marie et Joseph est Nazareth selon le récit de Luc, et Bethléem selon celui de Matthieu ; c’est la méchanceté du roi Hérode qui provoque l’exil de la sainte famille et son installation à Nazareth, une fois la menace écartée, selon Matthieu. Les visiteurs sont des mages venus d’Orient selon Matthieu et des bergers selon Luc. Ces discordances entre les récits – vous en aurez certainement relevé d’autres – devraient nous inciter à abandonner une lecture « historique » et nous amener à découvrir le sens religieux que chacun des évangélistes cherche à transmettre à ses lecteurs et ses lectrices quand il parle des origines de Jésus.

Quand on cherche à formuler le message de ces récits, on peut remarquer que Matthieu et Luc s’accordent sur deux points fondamentaux : d’abord, sur l’identité de Jésus, fils de David et Fils de Dieu. Ensuite, sur l’évocation de plusieurs figures de la Bible hébraïque pour montrer comment l’histoire de Jésus, dès ses origines, s’enracine dans celle de son peuple. En d’autres termes, on ne peut pas comprendre l’histoire de Jésus si on ne connaît pas toute l’histoire qui prépare sa venue [1].

1. L’identité de Jésus

Même si leurs généalogies ne concordent pas (Mt 1,1-17 et Lc 3,23-38), Matthieu et Luc s’entendent sur le fait que Jésus est de la maison (de la famille) de David. La conception marginale de Jésus ne change rien à cela car sur le plan légal, Jésus est bien fils de David. Pour la jeune Église de Jérusalem, c’est un élément important pour appuyer l’affirmation que Jésus est le Messie attendu : Un rameau sort du vieux tronc de Jessé, un rejeton pousse de ses racines(Isaïe 11,1 ; voir aussi 11,10). Jessé, rappelons-le, est le père du roi David et le rejeton évoque la venue d’un de ses descendants qui sera un sauveur pour le peuple d’Israël.

Même si Matthieu raconte le récit de la conception de Jésus du point de vue de Joseph et Luc, du point de vue de Marie, les deux affirment l’intervention décisive de l’Esprit Saint. C’est donc une manière de proclamer, sous un mode narratif, que Jésus est vraiment Fils de Dieu. Quand saint Paul écrit aux chrétiens et chrétiennes de Rome, il reprend ces deux pôles de l’identité de Jésus en affirmant qu’il prêche le même Évangile qu’il a reçu en décrivant Jésus issu de la lignée de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté par sa résurrection des morts (Rm 1,3-4).

2. Une histoire du salut qui culmine en Jésus

Les premiers chrétiens ont relu la passion, la résurrection et tout le récit du ministère de Jésus à la lumière de la Bible hébraïque. Quand Matthieu et Luc écrivent sur les origines de Jésus, il est donc naturel qu’ils cherchent à proposer une transition entre les Écritures et la Bonne Nouvelle de Jésus Christ qu’ils veulent transmettre.

Matthieu commence son récit « des origines de Jésus Christ » (1,1) par une généalogie qui commence avec Abraham jusqu’à Joseph, avec des grandes figures qui évoquent les moments importants de l’histoire d’Israël : histoire des patriarches, émergence et chute de la monarchie, exil babylonien. Pour Raymond E. Brown,

« selon une technique de dédoublement de sens, l’histoire de la conception et de la naissance de Jésus que nous raconte Matthieu est une remise en scène de l’histoire de la libération d’Égypte. Joseph, le père de Jésus, qui reçoit une révélation en rêve et part pour l’Égypte, sauvant ainsi sa famille, est un rappel délibéré du Joseph de l’Ancien Testament. Le méchant roi Hérode est la copie conforme du méchant pharaon qui fit tuer tous les enfants hébreux mâle, Dieu ne préservant la vie que de ceux qui allaient sauver son peuple (Moïse = Jésus). » [note 2]

De même, le récit de la visite des mages s’inspire de l’histoire de Moïse et du mage Balaam qui vient d’Orient et qui voit une étoile (un symbole de la royauté de David) surgissant d’Israël (voir Nb 22-24).

Luc utilise une stratégie semblable en mettant en parallèle les récits de la naissance de Jean le Baptiste et celle de Jésus. Zacharie et Elisabeth, les parents du Baptiste, rappellent les figures d’Abraham et de Sarah dans la Genèse. Et le messager de la révélation dans son récit d’annonciation est l’ange Gabriel qui apparait dans le livre de Daniel, le dernier livre de la Bible hébraïque. C’est une manière pour Luc d’affirmer l’importance de l’ensemble des Écritures pour comprendre la figure de Jésus. L’insertion de quatre cantiques dans son récit (Magnificat, Benedictus, Gloria in excelcis et Nunc dimittis) est une autre manière de créer un pont avec les Écritures. Quand on les analyse, on se rend compte qu’ils sont l’écho de plusieurs passages de l’Ancien Testament. Un dernier exemple est la présentation de Jésus au Temple qui rappelle la présentation de Samuel au sanctuaire de Silo par Anne (1 S 1,24-28).

Toutes ces correspondances entre les récits des origines et de l’enfance de Jésus et des événements ou des grands personnages de l’Ancien Testament devraient donc nous amener à ne plus les interpréter comme s’il s’agissait de souvenirs ou d’événements historiques. Les évangélistes veulent plutôt nous introduire à la question fondamentale pour notre foi du sens de la mort et de la résurrection de Jésus, qui est pour nous fils de David et Fils de Dieu.

Sylvain Campeau
Bibliste

 

Notes

[1] Pour composer ce texte, je me suis inspiré de Raymond E. Brown, Lire les Évangiles au temps de l’Avent et à Noël, Paris, Cerf (Lire la Bible), 2008. Ce livre est une vulgarisation de son étude monumentale The Birth of the Messiah (Doubleday, 1993) qui n’a pas été traduite en français.
[2] Raymond E. Brown, Lire les Évangiles au temps de l’Avent et à Noël, p. 20.

 

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