Un jeune en fugue, des parents inquiets quelle famille!

Luc 2, 41-52 : Sainte-Famille (Année C)

En ce dimanche de la Sainte Famille, Luc nous raconte un moment difficile, mais signifiant dans la vie d’une famille. Son récit nous parle d’un jeune et de ses parents, d’un jeune en fugue et de ses parents inquiets. Deux trajectoires sont présentées. Un enfant arrive à l’âge de la maturité, de la responsabilité personnelle et de la prise de parole. Il prend ses distance par rapport à sa famille; il quitte l’enfance et choisit son propre chemin, qui le mène au Temple; il écoute et il discute avec les maîtres. Pendant ce temps, des parents pieux, qui font le pèlerinage annuel à Jérusalem, se mettent à la recherche de cet enfant, pourtant un bon garçon, qu’ils ont perdu dans la foule. Ils sont angoissés. Quel parent ne le serait pas? Et quand ils le trouvent, ils sont stupéfaits : qu’est-ce que leur petit fait là avec les maîtres?

Oeuvre : William H. Hunt, 1862, Birmingham Art Gallery

Les retrouvailles donnent lieu à un affrontement. La mère demande à son fils : Pourquoi? Elle cherche la motivation de la fugue, l’interprétant comme un geste posé contre eux, les parents, dont elle met en évidence la souffrance. Le fils est vu comme un enfant qui leur appartient. Celui-ci lui répond par un autre pourquoi, qui exprime sa prise de distance; ses questions brisent le rapport de possession et créent un nouvel espace. Il a maintenant sa propre aventure à vivre, reliée à un autre Père et à une autre maison, le Temple. La rencontre ne se termine toutefois pas par une rupture. Les parents ne comprennent pas, mais la mère garde les événements dans la mémoire du cœur. Le jeune demeure dépendant, mais sa croissance continue.

Voilà un récit familial, et familier. Mais que vient-il faire dans l’Évangile selon Luc? Simple anecdote sur les problèmes de Jésus et de ses parents? Cela est présent, mais secondaire dans la perspective de cet évangile. En regardant le récit avec attention, on s’aperçoit qu’il fourmille d’indices qui en font plus qu’une anecdote : il s’agit d’un récit proprement évangélique, qui parle de Jésus et d’un autre passage. Cette histoire place ensemble, déjà, plusieurs thèmes essentiels chez Luc. Les lieux et les temps sont significatifs : Jérusalem et le Temple, la fête de la Pâque. L’Évangile selon Luc commence et se termine au temple de Jérusalem. La troisième tentation se passe au temple de Jérusalem. Quand Jésus adulte arrivera à Jérusalem, sa première activité sera de se rendre au Temple pour en chasser les vendeurs, pour y enseigner et annoncer la Bonne Nouvelle. Il y sera alors comme un maître, dans sa pleine maturité.

Le contexte de ce récit est celui du pèlerinage à Jérusalem. Le reste de l’évangile, centré sur la mission de Jésus, est structuré autour de la montée à Jérusalem, c’est-à-dire de la route qui mène à la Passion. Le sommet de cette montée aura comme temps la fête de la Pâque; notre récit d’ailleurs fait même allusion aux trois jours pour retrouver Jésus perdu. Le récit de Luc est ainsi plus qu’une histoire touchante. Au moment où Jésus entre dans le début de sa vie adulte, Luc nous fait entrevoir, en une sorte d’anticipation, l’identité et la mission de Jésus, sa vocation profonde. Comme une première saisie, intuitive, de ce qui fera le cœur de sa vie, du chemin qu’il prendra et suivra jusqu’au bout, d’une Pâque à l’autre, dans la fidélité à son Père. Une nouvelle famille en naîtra, enfants d’un même Père, famille de ceux qui cherchent Jésus et le trouvent au jour de résurrection. Famille universelle, rassemblant dans la maison du Père tous ceux, frères et sœurs, qui écoutent la Parole et la mettent en pratique.

Questions pour la réflexion :

Dans nos familles, vivons-nous des situations semblables?

Qu’est-ce que ce récit m’aide à mieux saisir de Jésus et de son parcours?

Daniel Cadrin, o.p.