Un roi sans armes
Luc 23, 35-43 : Christ, Roi de l'univers (Année C)
L’année liturgique se termine avec un thème glorieux, la royauté du Christ, mais avec une figure qui ne l'est pas : Jésus en croix. Et pourtant, les deux sont liés, formant le paradoxe vif de l'Évangile, appelant à une transformation du regard et de la vie. Autour de cette figure du crucifié, Luc nous montre toute une variété de réactions : le peuple qui regarde, les chefs qui ricanent, les soldats qui se moquent, un malfaiteur qui insulte et un autre qui proclame l'innocence de Jésus. La question au coeur de ces réactions est donnée par les nombreux titres utilisés par moquerie ou par foi : Messie, Roi, Élu, Sauveur. Pourtant, la personne dont on débat l'identité royale n'a pas l'air d'un roi. La royauté évoquait pouvoir, gloire, légitimité. Il n'y a ici qu'un homme faible, sans pouvoir, mis en croix comme un esclave, et dont la parole en est une de pardon et non de vengeance ou d'ordre.
Titien, Le Christ et le bon larron, vers 1566, huile sur toile, 137 × 149 cm, Pinacothèque nationale (Bologne).
Un seul personnage le reconnaît comme roi et s'inscrit en relation avec le crucifié qu'il appelle d'ailleurs par son nom, Jésus, ce qui est rare dans les évangiles. Cet homme est lui aussi un crucifié, bien que cela ne suffise pas puisque l'autre larron se range du coté des insulteurs. Mais il reconnaît la vérité de la situation : un innocent est condamné. Il reconnaît aussi sa propre vérité et il devient capable de prier ce roi en croix : souviens-toi de moi. Figure du disciple que Luc place à coté même de Jésus, dans sa passion, et qui reçoit la promesse de l'être-avec : tu seras avec moi. Une relation de foi, personnelle et vraie, s'est établie, qui est au centre de toute expérience de foi en Jésus le Messie crucifié.
Jésus a annoncé le règne de Dieu. Ce règne commence avec un roi qui en dit clairement le style et les traits. Quand Dieu règne, ce qui se produit se voit déjà dans cette scène. Le règne est inauguré par un don, celui d'un amour qui va jusqu'au bout et ne cède pas à la puissance et à la rhétorique de la fausseté. Ce règne se montre en croix par une parole de pardon, révélant la compassion radicale qui l'anime. Il s'établit dans l'adversité car il rencontre les résistances des forces de mort et de peur. Il fait entrer dans un monde de relations, de communion profonde. Et ce règne est ouvert à toute personne entrant dans une démarche de vérité; le malfaiteur y trouve sa place.
La royauté de Jésus est bien spéciale. Elle cherche non à dominer mais à rendre solidaire. Elle refuse d'entrer dans le jeu de la violence et de ses spirales de vengeance. Elle refuse l'intervention spectaculaire de salut et choisit de vivre au bout la fidélité dans le don de soi. Elle n'évite pas la réalité de la souffrance et de la difficile condition humaine. Elle y entre pleinement pour que toute notre humanité, dans sa consistance et sa fragilité, soit assumée dans ce règne. Une royauté bien paradoxale, qui ne correspond à aucun de nos modèles et qui appelle donc à faire du neuf quelque part dans nos vies et dans nos milieux. Cet évangile nous invite à entrer dans la dynamique d'un règne désarmant et de sa royauté de compassion. Dans la figure d'un roi sans armes, le larron-disciple a entrevu un règne inespéré, fait de relations. Cette figure royale est toujours là, offrant pardon et promesse.
Questions pour la réflexion :
Dans cette scène, je me retrouve en quelles réactions?
De quelle manière la figure royale de Jésus en croix me touche-t-elle?
À quel désarmement ce roi sans armes m'invite-t-il?
Daniel Cadrin, o.p.
Échos de la Parole
Année A (en cours)
Visuels et extraits
ARCHIVES
Échos de la Parole (2019-2022)
Année A • Année B • Année C
Visuels et extraits
Année A • Année B • Année C
Échos de la Parole (2016-2019)
Année A • Année B • Année C
Visuels et extraits
Année B • Année C
Échos de la Parole (2013-2016)
Daniel Cadrin
Année A • Année B • Année C