Passer de la gloire au service
Marc 10, 35-45 : 29e dimanche du temps ordinaire (Année B)
Oeuvre : Henry Coller, 1948, Collection privée. Angleterre
Marc continue de nous présenter les disciples en route à la suite de Jésus, leur maître. Et ces disciples continuent de vivre entre eux des rapports de rivalité, à la recherche des premières places. Jacques et Jean, deux frères ayant un fort sentiment de leur valeur, demandent à Jésus d’être ses lieutenants quand il établira son royaume, de partager son autorité messianique. Le problème, c’est qu’il n’y a que deux places, à la droite et à la gauche du Messie glorieux, mais douze apôtres : les dix autres s’indignent!
La chicane reprend dans la communauté des disciples pour savoir qui sera à l’honneur. Alors que Jésus marche sur un chemin risqué, qui le mène au don et au décentrement de soi, ses proches sont centrés sur leur plan de carrière. Cela dit d’abord que nous marchons à la suite de Jésus avec toutes sortes de bagages qui nous alourdissent : nos peurs, nos ambitions, nos intérêts et bien d’autres choses. Il faut du temps pour s’en délester et marcher plus librement, comme les disciples le feront plus tard, sur les routes de la mission, après la Résurrection.
Devant ces réactions un peu décourageantes, Jésus reste calme. Il connaît ses disciples, ses compagnons de route. Il les a appelés et choisis avec ce qu’ils sont, leurs capacités et leurs limites. Jésus ne s’indigne pas de leurs préoccupations, ne les prend pas à partie, mais il les remet dans la réalité. Tout d’abord, il souligne leur ignorance ou leur inconscience : « Vous ne savez pas. » Partager son autorité, c’est partager son épreuve, c’est assumer le don de soi jusqu’au bout. Rappel du chemin pascal, pour tout disciple. Quant à la gloire, ce n’est pas le sujet de l’heure. Pour l’instant, il y a franchement d’autres priorités!
Puis, Jésus fait appel à leur expérience : « Vous savez. » Cela donne l’occasion d’un enseignement sur le modèle de gouvernement et les relations dans la communauté des disciples en comparaison avec celui du monde politique (de l’époque…). On ne peut s’aligner simplement sur le fonctionnement des institutions qui régissent la vie sociale des gens. Jésus en fait une critique lucide et vive : c’est un monde où les puissants dominent et écrasent. Le regard de Jésus sur le pouvoir n’a rien de naïf et il présume que ses disciples partagent son constat. Il les appelle à mettre en place un modèle alternatif, à contre-courant : parmi vous, il n’en sera pas ainsi. À la logique de la domination, il oppose une dynamique du service et du don, comme lui-même en a montré la voie.
C’est ce que tant de figures dans la vie de l’Église ont cherché à mettre en œuvre, depuis Paul, invitant les communautés à la mutualité et au service fraternel, jusqu’aux mouvements coopératifs soucieux d’égalité et de service des petites gens, en passant par tant de personnes et d’organismes qui ont lutté et le font encore pour une socialité qui brise le cercle aliénant des compétitions et ouvre des espaces de respect et de générosité. Comme les disciples dans l’évangile de Marc, l’Église fut souvent infidèle à cet appel de Jésus, dans sa vie communautaire et sa gouvernance. Mais cet appel continue de retentir, provoquant et inspirant chaque génération de disciples. Appel à nous décentrer pour nous tourner vers le bien de tous, appel à nous mettre en tenue de service (de diaconie), pour marcher à la suite de Jésus le Serviteur.
Questions pour la réflexion :
De quelle manière se vit cette rivalité autour de moi (groupes, milieux) et en moi?
Quels appels cet évangile fait-il retentir aujourd’hui autour de moi et en moi?
Daniel Cadrin, o.p.
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Année B (année en cours)
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