Entre peur et liberté, entre puissance et faiblesse
Marc 9, 30-37 : 25e dimanche du temps ordinaire (Année B)
Guidés par Marc et sa catéchèse, nous poursuivons notre route avec les disciples. Ils ont choisi de marcher à la suite de Jésus. Ils ont d’abord perçu en lui un homme de Dieu qui ouvrait un horizon inespéré. Puis, ils sont allés encore plus loin, ils l'ont reconnu comme Messie de Dieu. C’était là une option admirable qui a changé leur vie. Mais, au fur et à mesure de leur marche, l'itinéraire devenait plus déroutant! L’enthousiasme initial commençait à se transformer en peur : où allons-nous? Ce Messie nous mène-t-il vers une impasse? C'est à ce moment de leur cheminement que les vrais enjeux ont émergé.
Oeuvre : Thomas Sully, 1850, National Gallery, Washington
Ceux-ci touchent d’abord les rapports des disciples entre eux. Jésus les appelle à dépasser les relations de compétition et de recherche du pouvoir. C’est une perspective qui conteste le fonctionnement social habituel, mais, à la rigueur, on peut toujours le comprendre. L’appel à se faire serviteur, comme Jésus lui-même, est porteur de valeurs dont les effets sociaux positifs sont perceptibles autant que les effets destructeurs de la rivalité. Ce que Jésus propose est déstabilisant, car c’est un appel au décentrement de soi, à une liberté qui se fait don aux autres. Mais, du moins, cela touche le domaine des relations entre nous, monde plus familier sur lequel nous croyons avoir prise.
Dans la finale, cependant, Jésus va beaucoup plus loin. Il fait entrevoir ce qui fonde son appel, ce qui lui donne un sens profond. L'enjeu, en fin de compte, c'est le visage de Dieu. L'accueil de l'enfant n'est pas ici un beau geste moral. L’enfant n'est pas présenté comme un modèle à suivre, à cause de son ouverture et de sa confiance. Jésus fait un lien qui va de l'accueil de l'enfant à celui de Dieu, en passant par lui-même comme pont entre les deux. II s'identifie à l'enfant et, par là, il fait entrer Celui qui l’a envoyé dans cette identification. À première vue, cela peut sembler charmant : Jésus place l'enfant au centre, l'embrasse et parle de l'accueil. Mais il y a ici plus qu'un récit touchant. Jésus met au centre celui qui par définition, à l'époque, ne fait pas partie du centre, celui qui, à cause de sa dépendance, ne peut qu'être aux marges du cercle. Au premier siècle, même si, socialement, l’enfant est aimé autant qu'aujourd'hui, il n'est pas entouré du culte et du halo sentimental qui s'est développé depuis deux siècles. C’est avant tout un être sans pouvoir, sans voix. Il a le même rang qu'un serviteur, sans autonomie ni droit.
Ces gestes et paroles de Jésus sont en fait radicalement troublants. II est suivi comme Messie, comme envoyé du Dieu puissant. Mais voilà que pour exprimer son identité et celle de ce Dieu, il en donne comme image vivante un être faible et sans autorité. Les appels de Jésus à se faire serviteur ne sont pas des impératifs arbitraires. Ils sont fondés sur son annonce de Dieu. Seul un Dieu révélant son visage dans un enfant peut soutenir une option pour Ie service et le refus de la force. Autrement, le Dieu servi est une idole de plus, déguisé en bon dieu. Marcher à la suite de Jésus, comme les disciples, peut susciter la peur. Mais, par-delà celle-ci, dans la foi au Dieu qui se livre en Jésus, un souffle neuf peut entrer en nous et nous redonner confiance, car il vient d'un Dieu libre et libérant. Découvrir ce visage de Dieu en Jésus est l'enjeu de toute catéchèse.
Questions pour la réflexion:
De la rivalité au service : quels réalités et défis ce passage évoque-t-il pour moi, pour nous?
Visage de Dieu et faiblesse : quelle image de Dieu en moi est touchée par ce lien?
Daniel Cadrin, o.p.
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