Heureux les cœurs purs

Marc 7, 1-8.14-15.21-23 : 22^e dimanche du temps ordinaire (Année B)
Oeuvre : Bernadette Lopez, site: www.evangile-et-peinture.org

Après cinq semaines avec Jean, nous revenons à Marc. L’évangile de ce dimanche est un collage de trois morceaux du chapitre sept, portant sur la question du pur et de l’impur, catégories religieuses fondamentales à l’époque et ayant d’abord une dimension cultuelle et non morale. Jésus est en discussion avec des pharisiens et des scribes, qui attachaient beaucoup d’importance à cette dimension. Ils insistaient sur le respect de rites et de pratiques assurant une vie conforme à l’alliance avec Dieu : lavage des mains, des plats, etc. Il est intéressant de noter que Marc explique ces coutumes : il écrit pour des lecteurs non juifs, des chrétiens d’origine païenne. Jésus utilise ces catégories de pur et d’impur, mais il en déplace les enjeux et en transforme la signification. Il recentre sur l’essentiel de l’Alliance, qui fait appel à un engagement personnel, à la fois intérieur et extérieur.

Aujourd’hui, nous fonctionnons facilement comme ces interlocuteurs de Jésus, tant dans notre vie sociale que religieuse. Nous cherchons des critères clairs et précis qui nous permettent d'établir avec certitude qui sont les bons citoyens et les vrais chrétiens. Ah! S'il était possible d'établir une liste de comportements, d'observances, d'idées justes qui garantissent notre salut! Nous saurions alors ce qu'il faut penser et faire, ce qui est permis et interdit, pour plaire aux humains et à Dieu. Et du coup, nous pourrions classifier les gens plus aisément : les bons et les méchants, les purs et les impurs, les corrects et les déviants. Mais nos aspirations de fichiers sont déçues avec ces paroles de l'Évangile selon Marc. Nos observances et nos normes ne servent pas de critères premiers au Dieu de Jésus pour ses évaluations. Ses catégories semblent bien globales à nos yeux de comptables. Elles ne parlent que du cœur! Ce lieu intime, où naissent nos pensées et actions, où se prennent nos décisions. Jésus, en prophète, rappelle que, le culte qui plaît à Dieu, c'est celui où les lèvres parlent du cœur.

Nous avons besoin de nos rituels et de nos lois : ils expriment nos valeurs et nos convictions, ils nous donnent une identité. Mais la pureté ou la rectitude ne s'y enferme pas, Dieu non plus. Ces traditions peuvent devenir des idoles; et ainsi se forment des barrières et des obstacles qui nous séparent les uns des autres, murs épais qui nous éloignent de Dieu. Ces traditions en viennent à s'opposer au but qu'elles poursuivaient. Et alors, place aux jugements et aux exclusions. Les non-conformes, de part et d’autre, peuvent être repérés, catalogués et isolés pour éviter le contact avec eux : ces étrangers qui ne mangent pas assis autour d'une table, ces corps handicapés qui ne répondent pas aux normes du corps fonctionnel, ces couples incertains aux noms différents, ces assistés qui osent avoir Internet, ces jeunes qui s’intéressent à la religion, etc.

Aux yeux de Dieu, notre identité profonde, c'est notre cœur humain : là où chacun de nous est unique et là où nous sommes frères et sœurs, dans les beaux projets comme dans les desseins mauvais. Et ce Dieu de Jésus nous donne un cœur nouveau, fait de chair et non de pierre; il nous donne une loi nouvelle inscrite en nos cœurs mêmes. Un Dieu qui s'amuse peut-être de nos catégories et qui a sûrement plus d'humour que nous!

Questions pour la réflexion :

Quels sont mes critères spontanés de rectitude sociale ou religieuse?

Qu'est-ce que cet évangile vient remettre en question ou déplacer dans mes catégories?

Daniel Cadrin, o.p.