L'exclus devant nous, l'exclus en nous
Marc 1, 40-45 : 6e dimanche du temps ordinaire (Année B)
Un lépreux s’approche de Jésus. À cette époque, les lépreux étaient considérés comme impurs, et exclus tant socialement que religieusement. On évitait tout contact avec eux. Que fait Jésus? Devant ce lépreux, Jésus ne s'enfuit pas, il ne le console pas gentiment et n'appelle pas les forces de l'ordre. Jésus le touche et lui parle. Loin d'être contaminé par le lépreux, Jésus le guérit. Par son geste et sa parole, il le rend à sa pleine liberté humaine, capable de présence et de responsabilité. Le contact avec Jésus le remet debout.
Oeuvre : Codex Egbert, c.980, Bibliothèque de Trèves, Allemagne
Tout d'abord, le lépreux lui-même est allé vers Jésus pour le supplier avec confiance. Comme si, lui, l'exclu de l’ordre social et religieux pouvait davantage découvrir et accueillir Jésus. Comme si, à cause même de sa blessure, il pouvait mieux reconnaître la venue du Royaume et appeler, du plus profond de lui-même, en vérité, celui qui l'inaugure. Comme si nos zones obscures, nos plaies internes, pouvaient être présentées à Jésus dans la confiance, sans faux-fuyants. Comme si, de ce lieu seul, en nous-mêmes, un regard vrai pouvait être porté sur Jésus et un appel lancé pour qu'il nous guérisse. Comme si la prière vraie venait de l'exclu en nous, en face de nous...
Non seulement le lépreux est-il guéri, mais il va plus loin encore dans sa démarche. II proclame la nouvelle. Il devient annonceur de ce geste et de cette parole qui l'ont touché, purifié, transformé. S'approcher de Jésus le renvoie dans la ville, à ses frères et sœurs. C'est lui, l'exclu, qui devient prophète. Quand se brisent les chaînes qui le maintenaient en marge, c'est de lui que provient la parole libérante.
Qui est l'exclu en face de nous? L'impur à ne pas toucher, le lépreux qui risque de nous contaminer à cause de ses plaies et de ses handicaps, celui qui est marqué du signe du péché, le grand péché de notre monde : la faiblesse? Serait-ce le chômeur « qui ne veut pas travailler », l'assistée « qui aime sa dépendance », le peuple « sous-développé par sa faute », l’étranger « qui n’est pas comme nous autres », le mourant « qui casse le party »? Qui sont ces autres inquiétants, à exclure de nos terrains privés, pour s'en tenir loin, à bonne distance, ou les enfermer dans un ghetto, à la périphérie, poliment ou violemment, de peur que leur maladie ne gagne du terrain et ne nous contamine?
Qui est l'exclu en nous? Cette lèpre intérieure, dont ne pas s'approcher, cette zone de nous- mêmes à cacher rigidement, en quelque ghetto profond, ce ramassis de blessures vives, d'échecs honteux, de questions explosives, ces signes de notre faute grave : la vulnérabilité? Qui est cet autre étrange en nous, à enfouir dans nos sous-sols, pour le reléguer à la périphérie marge de nous-mêmes, de peur que, mis en lumière, il nous de l'ordre normal, de peur que, contagieux, il ne fasse éclater le fragile équilibre de nos apparences?
Qui est l'exclu en face de nous, en nous? Qui est l'autre? Pour nous approcher et entendre son appel. Pour le rendre, avec Jésus, à une vie libre et debout. Et pour écouter sa parole invitante, une Joyeuse Nouvelle...
Questions pour la réflexion :
Qui est l'exclu en face de nous? Quel appel me fait-il entendre?
Qui est l'exclu en nous? Quel appel me fait-il entendre?
Daniel Cadrin, o.p.
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