Faire mémoire d’une vaste communion

Jean 6, 37-40 : Commémoration des fidèles défunts (Année A)

Le 2 novembre, nous faisons mémoire de tous les fidèles défunts, cette foule immense qui inclut des gens de tous les âges, connus et inconnus, qui nous ont précédés dans la maison du Père. La veille, le 1^er novembre, nous fêtons tous les saints, ces figures reconnues et admirées qui ont témoigné de l’Évangile. Mais en ce dimanche, nous fêtons tous les autres, ces fidèles anonymes qui ont transmis l’Évangile jusqu’à nous et qui en ont montré, au quotidien, la fécondité. Nous nous rappelons tant de visages, tant de vivants. Plusieurs ont été proches de nous par les liens de la famille, du travail ou de l’amitié, dans nos communautés de foi et nos réseaux d’espérance, dans la vaste complicité de la charité. La célébration de la mémoire des défunts, c’est une grande fête intergénérationnelle, interculturelle et interreligieuse, dans la communion de tous les vivants, dépassant les frontières temporelles.

Oeuvre : CNS, Anastasis, fresque, 13^e siècle, église Saint-Sauveur, Istanbul

Pour souligner ce rassemblement, l’évangile du jour provient du long discours de Jésus sur le pain de vie dans l’Évangile selon Jean. En regard des défunts, quelques éléments ressortent : le grand souci de Jésus de ne perdre aucun de ceux et celles qui lui sont confiés par un don du Père, ce qui nous inclut ainsi que nos prédécesseurs; la promesse de la participation à la résurrection du Christ, qui nous entraîne dans sa vie nouvelle; l’appel à voir et à croire dans le Fils pour entrer dans ce mouvement profond de transfiguration de l’existence, pour passer de la fragilité à l’éternité.

Dans la tradition iconographique des Églises d’Orient, une image s’appelle l’Anastasis, la Résurrection. Elle montre le Christ qui va au séjour des morts. Il prend Adam et Ève par la main pour les tirer de cette prison et les entraîner dans sa résurrection. Dans cette foule en attente, nous pouvons mettre les visages de nos proches défunts, et même les nôtres. Célébrer la mémoire de nos morts, c’est nous inscrire dans une longue lignée de fidèles. Notre vie est un don reçu d’un Autre, et de plusieurs autres; nous ne sommes pas nos propres auteurs. Notre visage porte des traits uniques, mais aussi des traits hérités. Cela vaut pour la vie physique, mais aussi pour notre vie spirituelle et relationnelle, pour notre vie intellectuelle et nos engagements. Il vaut la peine de s’en souvenir au moins une fois par année.

Commémorer les fidèles défunts, c’est aussi nous rappeler notre propre mortalité. Nous faisons partie de l’histoire de cette humanité, douée et vulnérable. Fragiles pèlerins, avec la précarité même de notre existence, nous sommes appelés à entrer dans le mystère d’une joie partagée. Dans l’attente de notre participation à ce cortège, nous portons des inquiétudes et des cicatrices. Une certitude peut cependant nous habiter : le bonheur promis dépasse tous nos calculs et nos craintes : c’est une vie éternelle, une vie sans fin. Elle se donne déjà à voir dans le Ressuscité, brisant les chaînes qui nous retiennent et prenant soin des siens, d’hier jusqu’à demain, jusqu’à notre transfiguration.

Questions pour la réflexion :

Parmi les fidèles défunts, lesquels ont particulièrement marqué mon itinéraire croyant?

Quel héritage m’ont-ils laissé, auquel donner une suite, de souvenir en avenir?

Quelle espérance d’une vie sans fin m’habite? Et qu’est-ce qui la nourrit?

Daniel Cadrin, o.p.