Un amour sans frontière
Matthieu 5, 38-48 : 7e dimanche du temps ordinaire (Année A)
Photo : Bob Fitch, Arrestation de Dorothy Day, 1973, Californie
Dans un monde dur et violent, comment survivre? Dans un monde où individus, groupes et nations s'affrontent, comment éviter le chaos? Nous avons mis au point au cours des siècles des mécanismes pour y répondre. Jésus y fait référence. Oeil pour oeil, dent pour dent: cette loi du talion est un progrès sur la barbarie. Elle permet de limiter les effets de la violence et d'établir une justice. La réparation, ou la vengeance, doit être proportionnée au mal fait. Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi: la bienveillance envers son groupe d'appartenance, la méfiance et la haine pour l'adversaire de ce groupe. Ces réponses sont naturelles et permettent un certain fonctionnement social où la violence, acceptée, est claire et cernée.
Face à cela, Jésus propose une voie plus radicale. Il invite à refuser carrément la violence, même son usage dit légitime, à refuser d'entrer dans son cercle et son cycle: tends l'autre joue, fais plutôt appel à la conscience de l'autre. Des gens comme Gandhi, M. Luther King, Dom Camara, Dorothy Day, ont pris au sérieux cet appel de Jésus. Il s'est avéré qu'il pouvait être une force de transformation, mais il est risqué. Face aux ennemis de groupe, de classe, de nation, Jésus invite aussi au dépassement: refuse d'entrer dans la haine de l'autre, même de celui qui te menace, et reste bienveillant. Jésus ne demande pas ici un amour au sens affectif et sentimental pour des gens qui nous en veulent ou qui nous énervent. Il s'agit de refuser la haine et la vengeance, de vouloir et de faire du bien même à l'ennemi, de respecter autrui. Il ne devient pas un ami pour autant, mais il reste quelqu'un.
Ces deux attitudes sont exigeantes, elles ne correspondent pas aux valeurs promues dans un monde compétitif, valorisant le pouvoir sur l'autre, les rapports de force, et les solutions violentes. Ces attitudes ne se vivent pas sans une profonde motivation, sans une conversion de notre regard sur nous-mêmes, sur autrui et d'abord sur Dieu. Pour Jésus, elles supposent la découverte du visage d'un Dieu Père, dont l'amour est universel. Cela amène à se voir soi-même non seulement comme un membre d'un clan, ou un honneur bafoué, mais d'abord comme un enfant de Dieu, et à voir autrui comme un autre être humain et comme un possible frère, comme quelqu'un.
Ces options difficiles portent du fruit en nous-mêmes. Elles nous permettent de garder notre dignité d'être humain, en refusant de devenir envahis par la violence et la haine, qui nous détruisent autant que ceux à qui nous en voulons. De plus, il se pourrait même que ces appels de Jésus soient, pour la vie en société, les seules réponses possibles pour briser les impasses, dénouer les conflits haineux, les soifs de vengeance sans fin. Mais ces solutions ne sont pas immédiates, spontanées ou techniques. Elles supposent des esprits et des coeurs qui veulent aller au-delà des conformismes, des intérêts personnels ou de groupe. Elles appellent à un dépassement. Mais ainsi seulement sera rendu témoignage, dans le monde, au Dieu dont la perfection est celle de son amour sans frontières.
Qu'est-ce qui me choque ou me réjouit dans cet enseignement de Jésus?
Quelle violence ai-je à travailler et face à quoi ou à qui?
Qui sont les gens ou groupes que je considère comme "ennemis"? Comment pourrais-je me montrer bienveillant-e et bienfaisant-e?
Daniel Cadrin, o.p.
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