Souvenirs de voyage

9 octobre 2022
2 R 5,14-17
28^e dimanche du Temps ordinaire (C)

(photo © Depositphotos, montage: Josée Richard)

« Les voyages forment la jeunesse », dit-on parfois. Encore faut-il garder avec soi quelque chose des terres inconnues qu’ils nous font traverser. Naaman le Syrien, grand général de son métier, a posé d’instinct un geste qui devrait avoir des suites.

Il se rend en Israël, car il est lépreux et espère être guéri par le prophète dont on lui a vanté les mérites. Le voilà enfin devant Élisée, dont il attend le geste ou l’incantation qui le délivrerait de sa lèpre. Mais l’homme de Dieu se contente de lui proposer une action qu’il juge aussitôt absurde. Grâce à son serviteur, il surmonte néanmoins ses réticences et consent à se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain. Il est purifié !

Nouvelle surprise : le prophète refuse son présent. Naaman est quelque peu déconcerté par cet homme qui ne fonctionne pas comme lui selon le mode du « donnant donnant ». Voyant cela, il décide d’emporter autant de terre qu’il le peut pour pouvoir honorer chez lui le Dieu d’Israël.

Il souscrit sans doute à cette mentalité polythéiste voulant que les divinités soient associées à des territoires et des peuples. Son geste se prête néanmoins à d’autres interprétations. La terre, devenue pour Naaman le rappel concret de son expérience, l’aidera à la relire, à en creuser le sens, à mieux connaître ce Dieu de la gratuité qui l’a libéré, à en vivre plus et mieux.

De même, il nous faut une terre où déposer nos pérégrinations extérieures et intérieures, un ancrage, un lieu de maturation dans notre quotidien où elles pourront nous travailler longtemps encore. Certains parlent de pratiques de relecture spirituelle ou de révision de vie. Peu importe le nom qu’on leur donne ! J’aime garder de mes voyages les coquillages ramassés sur d’autres rives ; portés à mon oreille, ils ont bien des secrets à me chuchoter.

Anne-Marie Chapleau
Bibliste et formatrice au diocèse de Chicoutimi.