Le don de la division

14 août 2022
Jérémie 38, 4-6.8-10 et Luc 12, 49-53
20^e dimanche du Temps ordinaire (C)

(photo ©Depositphotos, montage: Josée Richard)

Étonnantes paroles de Jésus qui dit qu’il n’est « pas venu donner la paix […], mais plutôt [la] division » (traduction littérale de Luc 12,51). La division, un don? Comment cela? Jérémie pourrait nous le dire, lui qui, en son temps, a semé la division. Les défenseurs de Jérusalem, assiégée par les troupes de Nabuchodonosor vers 588 avant J.-C. pouvaient bien lui en vouloir de répéter que la ville allait tomber aux mains des Babyloniens et qu’il valait mieux l’accepter. Le prophète ne pouvait pas parler autrement : en lui brûlait une Parole de feu que même ses désirs légitimes de paix et de tranquillité n’avaient pu éteindre (voir Jérémie 20,7-9).

Dans l’Évangile, Jésus parle justement d’un feu qu’il « est venu jeter sur la terre » (v. 49), puis de la situation limite qu’il devra affronter, sa plongée (ou baptême) dans la mort (v. 50). Il ira jusqu’au bout à cause d’une Parole de feu assimilée dans sa chair : il est Fils du Père (3,22) envoyé en mission de libération (4,18-19). Le feu de sa Parole a le pouvoir de diviser, c’est-à-dire, selon le sens du mot grec utilisé, de « traverser » les chairs « en plein milieu », de séparer aussi les uns et les autres selon leur choix de vivre en accord avec elle, dans la vérité, ou bien de céder à leurs hésitations, tiédeurs ou soif de sécurité.

En avril dernier, l’artiste russe Alexandra Skochilenko a osé coller une étiquette dénonçant la guerre sur un produit d’un supermarché de Saint-Pétersbourg (Le Devoir du 2 juillet). Elle s’est retrouvée illico en prison, avec le risque d’y croupir jusqu’à dix ans. Elle avait juste suivi sa conscience et résisté à la propagande. Gageons que son geste audacieux aura créé autour d’elle quelques divisions ; il diffusait néanmoins de la lumière sur un monde glauque.

Les mêmes enjeux d’authenticité et de vérité grouillent en nous. Qu’en faisons-nous?

Anne-Marie Chapleau, bibliste et formatrice au diocèse de Chicoutimi.