Heureux les pauvres et malheureux les riches ?

17 février 2019
6^e dimanche du Temps ordinaire (C)
Luc 6, 17.20-26

(visuel ©Depositphotos)

Le sens profond de cet enseignement de Jésus peut nous échapper si nous prenons ces paroles au premier niveau, c’est-à-dire si nous croyons que Jésus désire que nous soyons pauvres. En effet, toute la Bible est formelle au sujet de la richesse matérielle. Elle est souhaitable et perçue comme une bénédiction divine. Jésus se sert d’ailleurs de cet aspect louable de la richesse dans plusieurs de ses paraboles (voir par exemple Lc 15,8-10 ; 19,11-27). Nous serions aussi dans l’erreur si nous pensions que cet enseignement signifie que Jésus méprise les riches, car Jésus ne refuse pas de manger avec les collecteurs d’impôt et d’annoncer l’Évangile aux riches (voir par exemple Lc 18,18-23 ; 19,1-10), même si en d’autres endroits Jésus dénonce l’injustice et les inégalités reliées à la richesse matérielle.

Si Jésus se réjouit pour les pauvres et plaint les riches, c’est parce que les premiers font l’expérience d’une réalité que vivent rarement les riches au plan matériel : celle du manque. Dans l’insécurité et l’épreuve de la faim, des pleurs et parfois même du rejet et des insultes, les pauvres sont plus à même de vivre cette difficile expérience du manque qui les pousse cependant à s’ouvrir aux autres et à l’Autre, infiniment plus grand que soi. Cette expérience est moins spontanément accessible aux riches, dans la mesure où l’abondance de biens matériels peut les garder dans l’illusion qu’ils ne manquent de rien.

Cet enseignement de Jésus est particulièrement pertinent pour nous aujourd’hui qui vivons dans un monde où règne l’illusion du bonheur acquis par les biens matériels et la consommation. Puissions-nous, peu importe notre avoir, être toujours conscients du manque qui nous habite et être ouverts aux autres et à l’Autre qui nous complètent.

Francis Daoust, bibliste
Directeur de la Société catholique de la Bible (SOCABI)