Entre joie et angoisse

14 avril 2019
Dimanche des Rameaux et de la Passion (C)
Luc 22, 14 – 23, 56

(photo ©Alejandro Alvarez, Unsplash)

Chez Luc, outre l’absence des rameaux, le récit de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem diffère de celui des trois autres évangiles par la mention d’un échange surprenant entre Jésus et les pharisiens. Ces derniers, en effet, demandent à Jésus de réprimander les disciples qui l’acclament bruyamment avec joie. Mais Jésus répond que si ses disciples se taisaient, les pierres, elles, se mettraient à crier.

Contrairement à une interprétation courante, il ne s’agit pas ici de cris de joie qui viendraient se substituer à ceux des disciples, comme si Jésus affirmait qu’il est impossible de contenir la joie des disciples, qui finirait par se manifester ailleurs. En effet, le verbe employé en grec, krazô, désigne des cris de supplication, voire de détresse. C’est le cri de Pierre qui s’enfonce dans l’eau (Mt 14,30), celui du possédé en convulsion (Lc 9,39), celui de Jésus qui rend l’âme sur la croix (Mt 27,50). Et les pierres dont parle ici Jésus sont vraisemblablement celles des murs de Jérusalem (voir la suite en Lc 19,44). C’est donc un avertissement que Jésus lance aux pharisiens : mieux vaut des acclamations de joies que d’entendre Jérusalem toute entière crier d’angoisse.

Cet avertissement crée une tension dans le récit. Au moment où Jésus entre à Jérusalem, le climat oscille entre la joie et la peur, entre l’allégresse et l’angoisse. Il traduit peut-être très bien l’état d’esprit de Jésus qui, en entrant à Jérusalem, se dirige maintenant irrémédiablement vers la souffrance, la mort, puis la résurrection.

Francis Daoust, bibliste
Directeur de la Société catholique de la Bible (SOCABI)