Débordement de fécondité

23 décembre 2018
4^e dimanche de l'Avent (C)
Luc 1, 39-45

(oeuvre de Jacopo Carrucci, 1494-1557)

Le récit de la Visitation met en scène deux femmes enceintes, Marie et sa cousine Élisabeth, qui se rencontrent dans une grande éruption de joie. L’évangile de Luc reprend ici un thème bien connu de l’Ancien Testament : celui de la femme âgée et/ou stérile qui, contre toute attente, porte enfin un enfant. C’est le cas, entre autres, des trois matriarches, Sarah (Gn 11,30), Rébecca (Gn 25,21) et Rachel (Gn 29,31), de la mère de Samson (Jg 13,2) et d’Anne, la mère de Samuel (1 S 1,2).

Mais voici que l’évangile de Luc innove en décrivant la rencontre de deux femmes qui se situent aux antipodes l’une de l’autre : Élisabeth, cette vielle femme dont le temps de la fécondité est passé, et Marie, cette jeune femme dont le temps de concevoir n’est pas encore venu (avant la visite de l’ange). Cette position diamétralement opposée est aussi soulignée par le fait que les deux enfants ont six mois de différence. On célèbre d’ailleurs la naissance de Jean-Baptiste le 24 juin et celle de Jésus, le 25 décembre.

La fertilité est présentée dans l’Ancien Testament comme faisant partie du plan initial de Dieu (voir Gn 1,28; 9,1.7) et elle est un signe que le Règne de Dieu est sur le point de se réaliser (voir Is 54,1-3; Jr 3,16; 23,3; Ez 36,11). Il semble que l’évangile de Luc souhaite, à travers le récit de la Visitation, attirer notre attention sur quelque chose de beaucoup plus important que la grossesse étonnante d’Élisabeth ou la conception virginale de Marie; il indique en effet qu’est arrivé le temps du débordement de la fécondité et de la réalisation du plan de Dieu. Voilà une excellente raison de nous réjouir, comme ces deux cousines, à l’approche de la nuit de Noël.

Francis Daoust, bibliste
Directeur de la Société catholique de la Bible (SOCABI)