Notre cœur n’est-il pas tout brûlant ?
Luc 24, 13-35 : 3e Dimanche de Pâques (Année A)
Le récit de l’apparition de Jésus ressuscité aux disciples d’Emmaüs est toujours émouvant. Il nous rejoint au cœur, alors que nous sommes en chemin nous aussi pour vivre notre foi et trouver réponse aux questions que cette foi nous pose. On a souvent considéré ce parcours comme un modèle de pédagogie évangélique. Il vient nourrir chez nous une spiritualité de cheminement et de route. Il dépasse en effet les limites d’une simple anecdote pour nous interpeler au niveau de nos démarches croyantes et spirituelles.
Car il nous faut vivre nous aussi un passage : celui de nos rêves à la réalité; celui de nos attentes si souvent déçues, brisées, endeuillées, à la découverte de ce qui nous apporte la vraie joie : la certitude que le Christ est vivant à jamais, mystérieusement présent auprès de celui ou celle qui l’accueille et se tourne vers lui.
Le déroulement de la rencontre rapportée en S. Luc est très simple. L’évènement s’étire cependant pour prendre tout le temps nécessaire qui permettra aux deux voyageurs de vivre en eux-mêmes un véritable voyage intérieur. Notre cheminement spirituel se situe lui aussi dans le cadre d’une longue marche où nous ne sommes pas seuls. Chacun de nous voyageant bien souvent avec un certain Cléophas, un compagnon, une compagne, une communauté, un groupe de réflexion, quelqu’un avec qui il partage ses rêves, ses attentes et aussi ses limites, ses constats d’échecs, ses rébellions, ses déceptions.
Ce compagnon de route ou cette communauté de vie risquent eux aussi de s’enliser dans la déception et le découragement. Heureusement qu’il y a cet autre personnage, le troisième, qui les rejoint, imprévu, mystérieux, venu de nulle part ou plutôt venu de Dieu lui-même. Ce personnage mystérieux c’est à la fois l’Esprit-Saint, la voix du Père, le Ressuscité en personne, et pourquoi pas tel intermédiaire que le Seigneur suscite près de nous, un témoin de la foi, un témoin du spirituel?
Cette présence discrète introduit entre nous une remise en question salutaire, un éveil, pour une relecture éclairée de nos histoires de vie. Et nous voilà remis d’à plomb dans les plus justes perspectives de l’Évangile et de la foi. Ce rappel et cet éveil, ils passent par les Écritures : la Parole de Dieu entendue à la messe, fréquentée personnellement; les mots de Dieu nous reviennent; telle parole d’Évangile fait son chemin en nous. Précieuse lumière! Pour une mise au point de notre regard, de nos pensées.
Il nous est alors donné de prolonger dans l’Eucharistie ce temps d’éveil et de reconnaissance. Les gestes de la fraction du pain et du partage de la coupe, accomplis en mémoire du Christ comme il nous a dit de le faire, nous donnent une saisie étonnante sur le Ressuscité. Nous pouvons intimement le reconnaître. Nous savons qu’il est avec nous pour la portion de route qu’il nous reste à parcourir.
Il n’y a rien de magique dans ces rites accomplis à la fin du parcours. Il y a simplement de suggéré l’humble sacrement de la foi, par où nous sommes mis en présence du Ressuscité, quand paroles et silences se conjuguent avec nos gestes, pour le garder avec nous et reconnaître le Seigneur avec les yeux de la foi, avec un cœur tout brûlant.
Voici qu’il nous a chauffé le cœur, qu’il nous illumine, qu’il nous donne énergie, élan et courage pour repartir vers quelqu’un d’autre à qui le dire, quelqu’un avec qui partager notre Joie, notre Amour et notre Paix puisqu’il reste avec nous.
Jacques Marcotte, o.p.
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