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Le sens de Noël selon la vie de cinq femmes

Matthieu 1, 1-15 : Nativité du Seigneur (Année A)

Un de mes professeurs juifs, à la fin des années ’60, avait coutume de dire que nous ne lisions pas vraiment nos vieux textes sacrés, nous ne faisions somme toute que projeter sur eux ce que nous savons depuis toujours. S’il avait raison, nous devrions apprendre certaines choses à lire Matthieu 1,1-19.

L’évangéliste a l’intention, nous dit-il, de nous parler de l’origine de Jésus (v. 1). Aussi, nous présente-t-il sa généalogie, liste de noms à première vue pas très inspirante, mais néanmoins fort instructive, et même intrigante. En effet, alors que dans ce genre de texte on ne rencontre d’ordinaire que des hommes, ne voilà-t-il pas que Matthieu ose introduire dans la sienne les noms de cinq femmes. Et pas m’importe lesquelles.

La première se nomme Tamar (v. 3). Cette femme, probablement d’origine cananéenne, vit mourir sans descendance ses deux premiers maris, fils de Juda. Elle s’en alla donc trouver son beau-père pour qu’il lui accorde un troisième fils comme mari. Mais il s’y refusa, manquant ainsi à son devoir. Elle se déguisa donc en prostituée et fit en sorte qu’il la mette enceinte. Elle put ainsi donner naissance à un ancêtre de David (Gn 38).

La deuxième s’appelle Rahab (v. 5a) : c’était une Cananéenne de Jéricho, une prostituée. Elle accueillit chez elle les espions de Josué qui étaient poursuivis, et elle contribua à les sauver (Jos 2).

La troisième porte le nom de Ruth (v. 5b) : une Moabite, celle-là, une veuve qui décida d’accompagner sa belle-mère Noémie, à son retour au pays natal. Une fois sur place, cependant, il fallait bien vivre. Ruth entreprit donc de se trouver mari : voyant un propriétaire terrien à l’aise passer la nuit dans son champ pour protéger ses récoltes, elle alla se glisser à côté de lui sous son manteau. Or, comme un homme qui entoure une femme de son manteau la prend par le fait même comme épouse, Booz qui s’était couché célibataire se réveilla marié (livre de Ruth).

La quatrième, Bethsabée, vraisemblablement d’origine étrangère, elle aussi, est la femme d’Urie (v. 6), un Hittite, un gradé de l’armée du roi David. Celui-ci, qui la convoitait, la viola et fit tuer son mari pour cacher son crime  (2 S 11-12).

La cinquième est Marie (v. 16) : la mère de Jésus.

Ces femmes ont beaucoup en commun. Parlons d’abord des quatre premières qui permettent de comprendre ce que l’évangéliste voulait dire de la cinquième.  Elles sont probablement toutes d’origine étrangère. En les mentionnant dans la généalogie de Jésus, apprenant ainsi à ses lectrices et lecteurs que Jésus avait eu des ancêtres maternelles d’origine étrangère, Matthieu voulait les préparer à l’ouverture vers les païens – ce qui est un des grands objectifs de son évangile.

Mais il y a plus. Pour différentes raisons, les quatre premières femmes ont chacune eu, que ce soit par choix ou non, un exercice plus ou moins trouble de la sexualité : prostitution feinte ou réelle, mariage par surprise, viol. Si Matthieu les a choisies pour les inclure dans sa généalogie, ce devait être parce que, selon lui, elles annonçaient la cinquième. Or, que dit-il de Marie ? Précisément ceci :

Mt 1,18 Telle fut l’origine du messie Jésus. Sa mère Marie, qui était mariée à Joseph, se trouva enceinte […], avant qu’ils aient commencé à cohabiter. Dans un premier temps, Joseph songea à la renvoyer, comme c’était la pratique à l’époque dans un tel cas, mais il changea d’idée et la reçut chez lui.

Cependant,
Mt 1,25… il n’eut pas de relations avec elle jusqu’à ce qu’elle ait mis au monde un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

Les cinq femmes de la généalogie ont dû, pour une raison ou l’autre, s’écarter du comportement que la société attendait d’elles. En cela, elles annonçaient la conduite scandaleuse de celui qui serait plus tard condamné à mort par les autorités de son peuple.

Le temps de Noël est par excellence celui de la réflexion sur l’ouverture aux étrangers, sur la vie qui se joue de tous les obstacles, sur les femmes qui la mettent au monde, sur la relativité des normes que se donnent les humains, et sur l’existence d’une Réalité qui n’est pas rebutée par le scandale et aime de préférence se dévoiler au cœur de la détresse humaine, là où on ne l’attend pas. 

Il n’est donc pas surprenant que nous hésitions à lire nos vieux textes sacrés.

André Myre, bibliste, auteur, conférencier

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