Jean, le Baptiste - À la fois le plus grand… et le plus petit
Matthieu 11, 2-11 : 3e Dimanche de l'Avent (Année A)
Jésus fait l’éloge de Jean, le Baptiste, emprisonné par Hérode Antipas qui, éventuellement, le fera décapiter. Pourquoi donc cet éloge ?
Jean est, par son père, Zacharie, et par sa mère, Élisabeth, de descendance sacerdotale. Or, les prêtres étaient étroitement liés au Temple de Jérusalem, où ils devaient, à tour de rôle, officier aux cérémonies cultuelles, entre autres, celle des offrandes sacrificielles. Mais Jean, outré par les nombreux scandales commis dans ce lieu sacré, choisit plutôt de s’en retirer. Se tenant à l’écart, il interpelle alors les gens au passage, les exhortant à la conversion. Et pour lui, la conversion doit essentiellement se traduire par une conduite respectueuse de la justice humaine, d’abord et avant tout. Aussi invite-t-il ces gens à manifester ouvertement leur conversion, à se laver d’un passé entaché de fautes, en posant le geste symbolique de la plongée dans l’eau.
En fait, ce que Jean crie à tue-tête, c’est qu’une pratique religieuse qui n’est pas précédée d’une vie imprégnée d’amour du prochain, de partage équitable et de respect de tous les êtres humains est une pratique vide, voire injurieuse envers Dieu. Injurieuse, parce qu’elle laisse entendre que l’on peut s’en tirer avec une enfilade de prières, avec une multiplication de liturgies, au détriment de la charité élémentaire à l’égard du prochain.
En fait, la prédication de Jean s’inscrit directement dans la foulée de celle des prophètes du Premier Testament, ces grands défenseurs du vrai Dieu, qui dénonçaient avec véhémence, en son nom, les fausses sécurités nourries par ces assidus du Temple qui s’adonnaient à ce genre de pratiques; dénonciation éloquemment proférée par Isaïe : « Les holocaustes, la graisse des veaux… le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus (…) Vous avez beau multiplier les prières, je n’écoute pas (…) Vos mains sont pleines de sang… Pratiquez la justice… faites le droit à l’orphelin… défendez la veuve… accueillez l’étranger » note. Voilà des propos que non seulement la prédication de Jean endossait pleinement, mais également celle de Jésus, comme en font foi ses célèbres paroles qu’il suffit simplement d’évoquer : « J’avais faim…; j’étais malade… : j’étais en prison… »
Or, Jésus louange Jean au point de le déclarer le plus grand parmi tous ceux nés d’une femme. Ce qui signifie que Jésus approuve entièrement les propos de Jean, certes, mais aussi sa décision de se retirer du Temple. Ce que nous disent, en réalité, Jean et Jésus, c’est que, s’il fallait choisir entre une pratique religieuse et une pratique de justice humaine, il faudrait donner préséance à la deuxième, car c’est celle-là qui permet d’entrer dans le Royaume. « Venez les bénis de mon Père et recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous. » Bien sûr, il demeurera toujours très louable de célébrer une vie de justice humaine dans une pratique religieuse; dans la mesure, cependant, où cette dernière est vraiment signifiante et qu’elles reflètent le quotidien de ses participants.
Mais paradoxalement, Jésus ajoute que « le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que Jean ». Une parole embêtante… qui n’en est toutefois pas une destinée à rabaisser le Baptiste. Une parole qu’il faut plutôt comprendre à la lumière du langage sémitique qui aimait utiliser les contrastes, ce dont Jésus se fait ici l’écho, mais qu’on ne saurait nécessairement prendre au pied de la lettre. Jésus ne rabaisse aucunement Jean; il dit simplement que quiconque parmi les gens ordinaires, les plus petits de ce monde – vous, moi –, qui accueille le Royaume de Dieu, c’est-à-dire, qui accepte de vivre à la manière dont Jésus a vécu lui-même, soit dans le respect de la justice, voilà qui est le plus grand aux yeux de Dieu.
Odette Mainville, professeure honoraire retraitée de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal.
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