Quelques atouts des pratiques intergénérationnelles
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Le terrain familier de la catéchèse est occupé par la formation des enfants à la vie chrétienne, dans un horizon sacramentel. L’organisation catéchétique repose souvent sur la séparation des groupes d’âges, souvent en marge des autres groupes de la communauté chrétienne. En cherchant à dépasser ce modèle, on se rend compte qu’il n’est pas facile de proposer autre chose, de faire autrement. Sans être une panacée pour résoudre toutes les difficultés rencontrées sur le terrain, une plus grande place accordée aux pratiques intergénérationnelles permettrait d’ouvrir la catéchèse à de nouvelles possibilités.
Voici un aperçu de ce que la catéchèse intergénérationnelle peut favoriser… non pas par magie ou de manière automatique, mais en mettant en place des conditions favorables.
Les avantages d’un groupe diversifié
Une catéchèse intergénérationnelle s’adresse à un groupe où se réunissent des gens de diverses générations, mais aussi d’expériences et d’horizons variés. Dès le départ, on peut considérer cette diversité du groupe comme une richesse dont chacun pourra bénéficier, quel que soit son âge ou son bagage.
Dans une activité à caractère éducatif, on imagine aisément que les plus jeunes bénéficieront de l’expérience des personnes plus âgées ou qui ont plus d’expérience : cela va de soi! Mais il y a plus : les gens plus âgés ou qui sont plus « anciens dans la foi » (quel que soit leur âge) ont aussi tout à gagner des plus jeunes ou des personnes qui débutent dans la foi : leurs questions, leur point de vue ou leur recherche de sens peuvent ouvrir de nouvelles perspectives, questionner un langage ou des pratiques guidés par l’habitude, apporter des expériences inédites.
Une pédagogie plus active et variée
Une approche pédagogique active et variée est essentielle pour mettre à profit les richesses du groupe et pour favoriser des apprentissages plus substantiels. Une pédagogie est active lorsqu’elle favorise l’implication de chacun dans la démarche, et ce, de diverses manières : partager son avis, son expérience ou ses idées, participer à un jeu, un projet ou une recherche, se laisser toucher par la rencontre ou par quelqu’un, etc. Elle s’appuie sur la responsabilité de chaque personne dans son apprentissage, tout autant que dans le cheminement du groupe. Cette responsabilité se module selon l’âge et la maturité de chaque personne, mais si elle n’est ni éveillée, ni favorisée, elle ne pourra pas se développer.
Les personnes qui accompagnent des adultes dans un chemin d’apprentissage sont guidées par ce leitmotiv : « L’adulte est le premier acteur/responsable de son apprentissage. » Pourtant, combien d’adultes éprouvent des difficultés à se reconnaître une responsabilité dans leur apprentissage, ayant été si longuement formés par des approches magistrales, et s’étant longtemps perçus comme des « cruches à remplir » par un maître? Pour ces personnes, apprendre à s’investir et à devenir des participants actifs d’une démarche relève d’un véritable défi!
Quant aux plus jeunes, la plupart ont été formés par une pédagogie active, à l’école ou ailleurs : ils donnent plus spontanément leur opinion, échangent ou discutent volontiers avec d’autres sur divers sujets, ils préfèrent des activités qui les font bouger, chercher par eux-mêmes ou interagir, plutôt que des exposés à écouter ou des contenus à assimiler… Mais dans une culture de consommation d’images, de tendances et de biens jetables, le défi de la responsabilité est tout aussi grand que pour les adultes : s’impliquer dans son apprentissage ou dans son cheminement demande à être éveillé, puis cultivé.
Une pédagogie active fait en sorte que chacun soit à la fois apprenant et « enseignant » : chaque participant est invité à apporter quelque chose de lui-même au groupe et chacun est invité à se laisser enrichir au contact des autres. C’est pourquoi, plus encore dans une proposition intergénérationnelle, une pédagogie active est également variée, afin de rejoindre différentes sensibilités et capacités, divers profils et groupes d’âges. Si, avec des adultes, on a souvent tendance à faire appel au domaine cognitif ou à l’expérience de vie, il en est autrement avec les plus jeunes, qui sont davantage rejoints par l’action, l’affectivité ou l’imaginaire. Ainsi, une pédagogie qui vise à rejoindre les différentes générations aura avantage à intégrer ces diverses dimensions, ce dont chacun profitera selon ses capacités et sa sensibilité.
De multiples possibilités d’apprendre
La catéchèse intergénérationnelle, lorsqu’elle favorise une pédagogie active et variée, multiplie les formes et les occasions d’apprentissages. Souvent, le seul fait de se retrouver dans un groupe diversifié, de pouvoir échanger, travailler ou prier avec des gens différents de soi, peut être l’occasion d’apprentissages informels, qui se produisent sans avoir été planifiés ou sans avoir fait l’objet d’une activité dirigée. Par exemple, une personne peut apprendre à vaincre sa timidité ou à développer de la confiance en soi, une autre peut être inspirée par quelqu’un qui est un témoin de foi à ses yeux, une autre encore peut découvrir des liens de solidarité ou découvrir ce qu’est l’Église grâce à l’expérience vécue dans le groupe, etc.
Du point de vue des apprentissages formels, qui sont explicitement visés par la catéchèse, une approche intergénérationnelle n’est pas le seul chemin pour proposer des apprentissages diversifiés. Toute catéchèse doit contribuer à développer les diverses dimensions de la foi chrétienne, qui « exige d’être connue, célébrée, vécue et traduite en prière » (Directoire général pour la catéchèse, no 84). Toutefois, si on prend au sérieux l’importance de rejoindre les différents âges et les différentes sensibilités, surtout en ce qui concerne la foi chrétienne, on sera attentif à proposer l’apprentissage des différentes facettes de la foi et de la vie chrétienne. Plus encore, on peut dire que le cheminement dans un groupe ou la fréquentation d’activités intergénérationnelles peut favoriser une plus grande diversité d’apprentissages de la foi et de la vie chrétienne, au contact d’une pluralité de points de vue, d’expériences, de questionnements et de sensibilités spirituelles ou chrétiennes.
Une expérience de communauté
Parmi les apprentissages importants qui peuvent être favorisés par la catéchèse intergénérationnelle, celui de la dimension communautaire de la foi chrétienne mérite d’être souligné. Dans une approche intergénérationnelle, la communauté n’est pas seulement un « contenu » de la catéchèse, mais elle est d’abord et avant tout une expérience vécue « dans » et « par » la catéchèse :
La logique intergénérationnelle est de nature à accroître le sens de l’unité et la solidarité effective entre les membres d’une communauté. (…) Comme le dit une auteure française, Emmanuelle Duez-Luchez (…), la démarche intergénérationnelle, « c’est inviter à fabriquer de l’Église ».
Henri Derroitte, 2014, p. 20; l’auteur cite E. Duez-Luchez, La catéchèse entre saveurs et savoirs, Paris, Editions de l’Atelier, 2003, p. 86.
Ainsi, d’une part, en participant à des catéchèses intergénérationnelles, les catéchisés font l’expérience d’une communauté, dans laquelle des liens peuvent se tisser, des solidarités et une appartenance peuvent se construire à même les différences entre les personnes. En effet, ce qui distingue la communauté chrétienne des autres communautés humaines, est qu’elle est fondée sur la communion : celle-ci se construit non pas avec les affinités et les ressemblances, mais avec les différences de chacun, considérées avec respect comme autant de richesses pour « le bien de tous », dit souvent Saint-Paul.
D’autre part, la dynamique intergénérationnelle de la catéchèse, si elle favorise une pédagogie active et variée, devient effectivement un « contenu catéchétique » au sens où elle permet de vivre les différentes dimensions de la foi dont la communauté chrétienne est le visage concret, le témoin vivant. La catéchèse intergénérationnelle devient un lieu où, en apprenant les différentes dimensions de la foi et de la vie chrétienne, on apprend à devenir chrétien et à faire Église : on se trouve ainsi plongé dans un « bain ecclésial », où l’on apprend en participant à la vie du groupe.
Mais comme pour les autres atouts de la catéchèse intergénérationnelle, la pensée magique peut jouer des tours et masquer certains risques ou pièges à éviter. Si la fréquentation d’un groupe de catéchèse intergénérationnelle peut favoriser une expérience d’Église et même susciter une communauté, celle-ci peut rapidement se replier sur elle-même si elle ne s’ouvre pas aux autres formes ou visages de « communauté » chrétienne du milieu, ou si elle ne se laisse pas désinstaller par elles. Un groupe de catéchèse intergénérationnelle qui ne bâtit pas des ponts avec l’assemblée dominicale ou les groupes d’engagement chrétien du milieu finit par donner un contre-témoignage de ce qu’est la communauté chrétienne.
Pour aller plus loin…
- « Les formes de catéchèse communautaire : fondements, balises, évaluations », dans BIEMMI, Enzo et DERROITTE, Henri, (dir.), Catéchèse, communauté et seconde annonce, Bruxelles, Lumen Vitae, Coll. « Pédagogie catéchétique », no 30, 2014, p. 15-32.
On lira avec profit deux articles d’Henri Derroitte qui présentent les atouts, les défis et les limites de la catéchèse intergénérationnelle et communautaire dans le contexte actuel :
DERROITTE, Henri, « Réinventer la catéchèse dans un monde en mouvement », Lumen Vitae, (2008/3), p. 339-363.
Suzanne Desrochers, adjointe au directeur
Office de catéchèse du Québec
